Après de nombreux mois d'absence dus à différentes péripéties inénarrables et qu'heureusement la décence, la morale et l'honnêteté m'interdisent formellement de vous conter ici, Laurent Outang a repris ses libations automobiles liées à sa paranoïa paroxysmique doublée de sa mégalomanie hypocondriaque, dont voici la quintessence de la teneur :
C'est comment qu'on freine ?
Le GT4 est équipé des freins des R8/R10/Caravelle et Dauphine "export", qui correspond au montage dit "petits freins". Bien sûr, les éléments montés sur la R10 donneuse d’organes vont être récupérés. A savoir que deux types d’étriers étaient disponibles : ceux avec un joint de piston à profil rond et ceux avec un joint à profil carré. Ce détail a son importance lorsqu’il faut commander les nécessaires de réparation des freins. Sur chaque étrier, on retrouve un symbole : un rond s’il y a un joint rond, et un carré s’il y a un joint carré (c’est logique non ?). C’est une astuce à savoir, car ainsi pas la peine de tout dépiauter pour savoir de quel joint on dispose et quel élément commander…
Premier constat sur les étriers avant : après avoir vidangé le reste de liquide de frein emprisonné à l’intérieur de chaque pièce, la sortie des pistons de freins réserve une bien mauvaise surprise : ils sont copieusement piqués par la rouille, et par conséquent inutilisables. Ces fameux pistons de diamètre 38 sont extrêmement rares à trouver en neuf. Les bourses de pièces de toute la région vont être écumées en vain. Je prends le risque d’acheter des étriers d’occasions, avec la loterie que cela comporte... Comme toujours, je n’ai jamais beaucoup de chance au jeu… Certains étriers, achetés sur annonces internet, ne seront même pas récupérables au vu de l’état de décomposition de l’aluminium. Finalement, je parviens à toucher le Graal au bout de plusieurs semaines d’angoisses grâce à un célèbre site d’enchères en ligne : deux pistons neufs, encore emballés dans la boite ! Une petite fortune plus tard et les pièces arrivent par la poste. Le travail va pouvoir reprendre. Les intérieurs d’étriers sont nettoyés, les vis de purges remises en état et vérifiées, les portées de joints remises au propre et les pistons enduits de graisse spéciale.
Etrier avant droit
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Pour les étriers arrières, le constat sera malheureusement le même, c'est-à-dire pistons de freins fatigués. Mais j’avais anticipé la chose suite à mon expérience sur les avants, et là aussi le toujours célèbre site d’enchères en ligne m’est venu en aide. A l’arrière il m’a fallu également dégripper et dérouiller le mécanisme de frein à main, et redonner une seconde jeunesse aux platines métalliques.

Etriers arrières avec le système de frein à main

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Tout ce petit monde va retrouver sa place sur l’auto. La plaque de réglage de frein à main qui vient se fixer sous la boîte de vitesse (montage GT4) est revue, le mécanisme de traction des câbles est dégrippé et le câble secondaire de frein à main neuf est installé. La tringlerie complète est posé, jusqu’au levier. Celle d’origine sur l’Alpine semblait réglable au vu des planches du PR, mais je n’ai à ma disposition que celle de la R10, qui est de longueur fixe. Par chance, elle se monte parfaitement sans aucune modification.
En parallèle de toutes ces opérations, j’avais envoyé le répartiteur de frein arrière à la société "Freinage 95" après l’avoir ouvert et constaté que l’intérieur était en bon état (pas de piqûres de rouille). L’entreprise a remplacé les coupelles, vérifié le tarage et contrôlé le bon fonctionnement du piston. J’ai préféré confier cette tâche à un professionnel. Je sais que beaucoup de propriétaires de berlinettes ont montés un Té de répartition en lieu et place de cette pièce, pour avoir le maximum de freinage sur l’arrière. Je ne me ferai une idée sur la question qu’après avoir roulé avec l’auto. Pour l’instant je remonte comme à l’origine.

Le répartiteur de freinage
Le maître-cylindre de frein, ainsi que son embout arrière de connexion des tuyaux et le contacteur de stop sont neufs.
Je dois maintenant m’attaquer au remontage du pédalier, afin de mettre en place la platine en aluminium qui reçoit le maître-cylindre. Encore une surprise ! Si les pédales de frein et d’embrayage sont bien celles de la R10, l’axe n’est pas du tout le même : celui de la Renault est beaucoup trop long, et le montage ne comporte pas les mêmes bagues que sur la R10. Modifications à réaliser en perspective. L’étude des PR 837 et 871 permet de voir quelles pièces doivent être modifiées. Il apparaît que le support de maître cylindre a été modifié par Alpine pour pouvoir être installé sur les châssis dieppois. Je vais donc devoir réaliser dans un premier temps la même intervention qu’à l’époque avant de songer à modifier l’axe des pédales. Ensuite il faut sortir réglets et pointes à tracer, faire plusieurs montages à blanc sur l’auto avant de couper cet axe au bon endroit et définir les bonnes épaisseurs de bagues entre les pédales. Une fois l’axe mis à la bonne côte, il faut retarauder l’intérieur pour le montage du graisseur et repercer les trous de graissage des pédales. Je n’oublie pas non plus de créer la pièce spécifique GT4 n°72102 (référencée ainsi sur le PR). Je procède alors au montage complet de l’ensemble
La pièce en aluminium supportant le maitre-cylindre, de provenance R8, a du être modifiée
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Plaque 72102 avec le graisseur d’axe du pédalier
A ce stade, je mets en place le vieux maître cylindre de frein de la R10 sur sa platine, vu que c’est le même que celui qui doit être monté sur le GT4. Il va me servir de gabarit pour définir la longueur des tuyaux de freins et le cintrage. Lors du dernier salon Avignon Motor Festival, je me suis procuré un coffret permettant la réalisation de collets battus. Ce coffret ne comporte que les guides prévus pour les dimensions standards des tuyaux de freins en cuivre (qui sont différents de ceux utilisés en plomberie par exemple). La société Dépanoto m’avait livré ma commande de tuyaux de cuivre au salon de Cavaillon, avec les olives de raccordement. L’étude des différentes photos prises sur les GT4 des amis, notamment celui de Thierry, me permet de recréer à l’identique le cheminement des tubes et donc de couper aux bonnes longueurs sans trop d’appréhension. Le cintrage se fera avec une pince à cintrer (ben oui !) pour éviter l’écrasement du tuyau.

Détail du montage des tuyaux de freins
Maintenant, je dois attendre le retour de la caisse, qui est en carrosserie pour la mise en apprêt, pour la pré-positionner sur le châssis, afin de valider le bon cheminement des tuyaux. L’étape suivante, pour les freins, sera la mise en place du bocal en verre recevant le Lockheed et le remplissage du liquide de frein au silicone. A suivre donc dans les prochaines semaines…
Le moteur (ben oui, y'a un moteur !)
Mon GT4 a été dépouillé au fil du temps par des âmes peu respectueuses et je m’en suis porté acquéreur alors que l’auto était dans un triste état. La mécanique d’origine, un 1255 Gordini, était manquante. J’ai fait le choix de monter un moteur avec les mêmes caractéristiques que le V85 d’Alpine que l’on pouvait trouver sur les berlinettes, mes finances ne me permettant pas d’acheter le fameux "Gord’".
J’ai d’abord étudié un peu plus en profondeur le V85, et à l’aide des différentes documentations, voilà ce que l’on peut dire de manière sommaire :
Alpine est parti d’un moteur de R10 "1300" (type R1192 – moteur 810-03) pour construire sa mécanique : la culasse de la R10 a été ramenée à une hauteur de 71.80mm (avec tout ce que cela induit en terme de rapport volumétrique), les soupapes bénéficient d’un rappel à doubles ressorts, l’arbre à cames a été optimisé, la pompe à eau est celle de la 8 Gordini pour avoir un meilleur débit et le volant moteur provient d’une Estafette pour pouvoir monter un mécanisme d’embrayage de 8 Gordini en Ø 180. Le V85 est équipé d’un radiateur d’huile et d’un carburateur double corps vertical Weber 32 DIR (à quelque chose près le même que sur les R12TS et R5 Alpine). En finition un très beau cache-culbuteurs en aluminium venait orner le moteur. Le V85 développe 81ch à 5900 tr/min. Sa plaque d’indentification est 810-30.
On sait qu’un moteur de R12TS, de type 810-05, est très proche mécaniquement parlant du V85 810-30. Je possède un 810-05 "petite ligne" (comme le V85) et à l’aide des catalogues de pièces de rechange de la Régie, j’ai comparé les références des pièces comme les chemises, les pistons, le bloc, le vilebrequin etc. pour savoir si des différences existaient afin de les prendre en compte, dans l’optique de me servir d’un 810-05 comme base de travail. Je peux donc confirmer que ce moteur va très bien pour construire un type V85.
Je m’étais mis en quête d’un 810-05 dès l’achat du GT4 et j’ai eu la chance d’en trouver très rapidement un pour une bouchée de pain, lors du salon Epoqu’auto de Lyon en 2007. J’opérais les premières constatations d’usage lors de l’achat, car l’état extérieur du moteur était peu ragoutant. Ok, le moteur tourne à la main, aucune pièce ne semble manquante.
Une fois de retour au garage, je positionne la mécanique sur le support moteur afin de la démonter entièrement et faire un état des lieux interne du bloc : la culasse est encore en côte d’origine (72mm) et les coussinets de paliers sont eux aussi en côte standard. Les ensembles chemises pistons bielles sont en excellent état et le vilebrequin ne souffre aucune critique. Tout est démonté, nettoyé et rangé soigneusement dans l’attente du remontage en configuration V85. Je me suis mis en quête des doubles ressorts de soupapes et de toutes les pièces nécessaires inhérentes à ce type de montage pour préparer la culasse à la sauce Alpine, mais en vain. Je n’ai pas réussi à trouver de quel véhicule ces doubles ressorts provenaient. J’aurai eu la possibilité de les faire construire par un rectifieur moteur, mais cela coutait cher. Le gain en tours minutes sur le régime maxi du moteur n’est pas extraordinaire (de 150 à 200 trs/min au mieux) selon les spécialistes comme Gilles Brignol ou Stéphane Poudrel. J’ai donc décidé de laisser les soupapes et leurs ressorts de rappel dans leur configuration "12TS" d’origine. De plus je ne suis pas un adepte des hauts régimes, et qui plus est ce moteur va tourner sur un GT4 qui a pour vocation d’être bien plus civilisé que sa frangine berlinette…
Revenons à notre mécanique : Les portées de chemises sont en très bon état et l’intérieur du bloc ne présente pas de défaut une fois débarrassé des amas de boue accumulés sur les parois et sur les chemises. Je repeins le bloc coté extérieur en vert Renault (comme à l’époque) et je fais de même pour l’intérieur du moteur. Dans les deux cas j’utilise la peinture Restom, dont les qualités ne sont plus à démontrer.

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En parallèle, je me suis procuré un radiateur d’huile de R8 Gordini, un carburateur Weber 40DCOE horizontal avec sa pipe d’admission et une ligne d’échappement neuve optimisée de V85. Il faudra d’ailleurs sans doute que je modifie cette ligne dans sa partie intermédiaire à cause de l’encombrement différent du coffre moteur sur le GT4 (mais on verra çà plus tard). Je trouve également, sur petite annonce, un arbre à cames de V85, encore emballé dans son papier, un beau bouchon de cache-culbuteurs gravé « Alpine » et René Picout me déniche un allumeur tout neuf de V85 dans un carton chez lui. Sacré René ! La pompe a essence est neuve elle aussi bien entendu et je me procure à bon prix une pochette de joints moteur complète sur un salon. Je passe commande aux Ets Colombo pour tout le consommable (coussinets, kit distribution, segments etc.). Les travaux sur la culasse sont réalisés par la société Avignon Rectification (mise à 71.8mm de hauteur, planéité, rodage soupapes). Restait le volant moteur d’Estafette à trouver : pour cela je fais appel à mon ami Patrice qui en possède une chez lui, en train de finir tranquillement sa vie sous les oliviers… le moteur est prélevé sur l’épave. Là aussi bonne nouvelle : malgré les longues années d’immobilisation dehors à tous vents, la mécanique tourne à la main !
Renault soignait particulièrement l’équilibrage de l’ensemble vilebrequin / volant sur ses Estafettes, car ces dernières étaient souvent chargées à outrance et il fallait disposer d’une mécanique si possible pas trop asthmatique pour rouler convenablement. Monter un tel équipage sur un moteur V85 semble ainsi de bonne augure pour une montée en régime franche et rapide.
Après ouverture du bloc, le constat est le suivant une fois le vilebrequin déposé : les coussinets sont en côte "réparation" 0,25. Une rectification dans le passé a donc déjà été réalisée pour une raison que j’ignore. Je comptais monter l’équipage mobile dans mon moteur, mais je vais prendre le temps de la réflexion suite à cette découverte.
Par contre les chemises pistons bielles sont identiques entre R10, R12 et Estafette. Pratique pour avoir de la pièce de rechange, ne sait-on jamais…Ces pièces, avec la pompe à huile, le tendeur de chaîne, les poussoirs, les tiges de culbuteurs et la culasse complète avec la ligne de culbuteur de l’Estafette sont soigneusement nettoyés et mis de coté. Le carter d’huile en tôle est le même que celui de la R12, donc à garder également précieusement en cas de besoin.
Les consommables vont arriver début août 2010, le moteur devrait donc être en place avant la fin de l’année si tout va bien. Le remontage sera naturellement à suivre sur ce site.
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La suite de la saga de l'été (qui dure depuis dix ans) l'année prochaine...