L'histoire sportive d'Alpine et de Renault

histoire yves-hervé

Avant d'aborder l'histoire sportive d'Alpine et de Renault, voici un petit rappel de ce que fut l'aventure d'Alpine (et seulement d'Alpine) au Mans.

L'épopée d'Alpine au Mans commença pour Jean Rédélé en 1952 lorsque François Landon lui confia une 4CV Renault très modifiée dont la vitesse de pointe était proche de 160 km/heure.
Il n'était pas à l'époque question de gagner les 24 Heures mais de bien se classer à l'indice de performance et peut-être de viser une victoire de classe.
Les participations d'Alpine à d'autres épreuves que les 24 Heures telles que Monza ou Spa-Francorchamps ne constituèrent que des tests en vue de l'épreuve Mancelle.
En 1962, Renault fournit des mécaniques R8 à Renée Bonnet, des quatre cylindres 1 000 cm3 revus par Amédée Gordini. Jean Rédélé regretta bien sûr le choix de la régie nationale et demanda en fin de saison d'être traité sur un pied d'égalité avec René Bonnet, Rédélé estimant qu'il avait, depuis dix ans, fait beaucoup pour la promotion de Renault.
En novembre 1962, un accord fut signé entre Alpine et Renault. Il restait peu de temps jusqu'aux essais d'avril 1963.
Jean Rédélé avait pris les devant et nommé José Rosinski, pilote et journaliste, directeur sportif de l'équipe Alpine. Guy Verrier et René Richard furent de la partie cependant que, grâce au regretté Gérard Combrac, un ancien de chez Lotus, Len Terry, brillant technicien, avait été recruté, ainsi que deux passionnés : Richard Bouleau et Bernard Boyer.
Enfin, l'aérodynamicien Marcel Hubert, spécialiste des petites cylindrées qui vont vite, fut chargé d'étudier des carrosseries de plus en plus profilées.

L'Alpine du Mans 1963, appelée M63, était bâtie autour d'un châssis gardant les côtes et les épures de suspension du projet de Len Terry, mais pas la technique de fabrication.
Terry, en bon transfuge de Lotus, pensait utiliser un treillis tubulaire, mais en fonction du nouveau règlement imposant un seuil de porte bas, Bouleau et Boyer reprirent la technique maison, soit un châssis-poutre.

Contrairement aux Alpine de série, le moteur n'était plus en porte à faux arrière mais en position centrale. C'était un quatre cylindres Renault-Gordini développant une centaine de chevaux. La boite était une Hewland à cinq rapports avant.
Cette puissance relativement faible n'empêcha pas la voiture d'atteindre 220 km/heure grâce à la carrosserie bien étudiée avec un Cx de 0.15.

Une seule voiture participa aux essais du Mans en avril, pilotée par José Rosinski qui tourna en 4'40'' soit 173 km/heure de moyenne. Les René Bonnet, équipées du même moteur, furent 5'' plus lentes.
Engagée aux 1 000 Km du Nurburgring pour un test de fiabilité, la M63 chassis n°1701, un peu aidée par les abandons des René Bonnet et de l'Abarth, gagna sa catégorie, pilotée par José Rosinski et Lucky Cassner.

m63

Deux autres M63 rejoignirent la première pour les 24 Heures du Mans qui furent, pour Alpine, une bien triste expérience. Bino Heinz au volant de la M63 n°48, alors en tête des indices, fut accidenté dans un carambolage et le pilote périt dans les flammes. La course continua, la M63 de Richard/Frescobaldi s'arrêta sur panne d'embrayage et celle de Boyer/Verrier cassa une bielle.
Aux 12 Heures de Reims, la M63 n°60 de José Rosinski gagna sa catégorie.

Le 7 juillet, au circuit des Monts d'Auvergne à Charade, deux M63 pilotées par Rosinski et Grandsire terminèrent derrière l'Abarth de Mauro Bianchi.
Ce fut la fin de la saison pour Alpine mais pas pour José Rosinski qui, grâce aux points obtenus en fin de saison sur sa Lotus personnelle, finit le Championnat de France des sport-prototypes à la première place.

La saison 1964 débuta à Sebring et à la Targa Florio avec des M63. Tullius/Cuomo terminèrent 1er en sport-proto de moins de 1 150 cm3 aux USA et les frères Bianchi second dans la même catégorie en Italie.
Pendant ce temps, à Dieppe, Marcel Hubert affinait encore la carrosserie des nouvelles M64. Les voitures étaient moins hautes et moins larges. Un châssis tubulaire plus léger remplacait le châssis-poutre grâce à une enième modification de la réglementation.
Jean Rédélé espérait une M64 plus légère que la M63, mais ses espoirs furent déçu, la nouvelle voiture avait pris une vingtaine de kilos en plus.
La M64 ne fut pas prête pour les essais d'avril au Mans qui virent une voiture hybride : un châssis de M64 avec une carrosserie de M63.

M63B

Aux 24 Heures du Mans 1964, trois M64 furent engagées, une 1 149 cm3 pour De Lageneste/Morrogh et deux 1 001 cm3 pour Vidal/Grandsire et Bianchi/Vinatier, et une M63 à moteur 1 001 cm3 pour Masson/Zeccoli.
De Lageneste/Morrogh terminèrent 17ème au général et premier des prototypes de moins de trois litres sur la M64 1149 cm3 qui fut chronomêtrée à plus de 240 km/heure dans les Hunaudières.

Le même équipage gagna la catégorie sport-prototype de moins de 1 300 cm3 aux 12 Heures de Reims en Juillet.
En octobre, la M64 de Rosinski/Grandsire termina 16ème au classement général des 1000 Km de Paris à Monthléry, et 1ère de sa classe.

En fin de saison, De Lageneste devint Champion de France.
En 1965, les Alpines d'usine ne participèrent pas aux 12 Heures de Sebring.
En avril, aux essais du Mans, Henri Grandsire sur M64 tourna à 184 km/heure de moyenne grâce à une vitesse de pointe améliorée.

M64

Aux 24 Heures du Mans, la M65, enfin prête, fut engagée en deux exemplaires accompagnés de 2 M64, ceci pour les prototypes. Une petite berlinette Tour de France 1 108 cc fut engagée en G.T.

Les M65 se distinguaient des modèles 1964 par un arrière très différent, les ailes postérieures faisaient office de dérives. Les moteurs étaient des 1 300 Gordini 130 CV.
Aux 24 Heures du Mans, ce fut un désastre pour Alpine.
Un peu plus tard, en Juillet, aux 12 Heures de Reims, Alpine se consola avec une 1ère place en prototypes de moins de 1 300 cm3, les cinq Alpines engagées terminant la course.
Pour les essais du Mans 1966, Alpine vint en force avec 2 M65 1300, 2 M64 1 300 et une M65 1 000 cm3.
Les M65 1 300 dépassaient les 265 km/heure sur la ligne droite des Hunaudières. Leur châssis, toujours tubulaire, avait été redessiné pour permettre l'emploi des suspensions des monoplaces.

Mauro Bianchi fit le meilleur temps de l'équipe et tourna en 4'12'' 7/10 avec la M65 1 000 cm3 et en 4'00'' 9/10 avec la 1 300, soit à 201 km/heure de moyenne.
Aux 1000 Km de Monza le 24 avril 1966, seuls Vinatier/De Lageneste finirent, en 18ème position.

A la Targa Florio, dans des conditions épouvantables, De Lageneste/Rosinski terminèrent à une belle 6ème place au classement général devant Vinatier/Orsini sur Berlinette A110, une belle victoire de classe pour les Alpines.
Cinq prototypes de la marque étaient prévus pour les 24 Heures du Mans, plus deux supplémentaires. Les prototypes Alpines s'appelaient dorénavant A 210.

Six voitures s'alignèrent au départ. L'A 210 chassis n°1723, pilotée par Grandsire et Colla qui terminèrent 9ème, Cheinisse, De Lageneste, Hanrioud finirent 11ème sur le chassis n°1721 devant Verrier, Bouharde, Bianchi et Vinatier sur A 210 et Vinatier, Jonsson, Toivonen, 13ème sur A 210 chassis n°1722. Ce fut un fabuleux tir groupé, Alpine terminant aux trois premières places de l'indice énergétique.

La saison 1967 débuta sur une mauvaise nouvelle : la subvention de six millions de francs de l'État pour aider une marque française à briller en Championnat du Monde de F1 fut attribué à Matra. Ce fut une grosse désillusion pour Jean Rédélé.

Les deux premières courses de 1967, les 1 000 Km de Monza et la Targa Florio, ne furent guères glorieuses.
Pour les essais du Mans en avril, les deux A 210 présentes furent équipées d'un 1 470 cm3 développant 150 CV et Mauro Bianchi tourna en moins de 4 minutes au tour. Exploit fantastique si l'on pense que dix ans plus tôt, Hawthorn et Fangio tournèrent aussi en moins de 4 minutes, mais le premier avec une Ferrari 335 S de plus de quatre litres et Fangio avec une 4' 5 Maserati 450 S.

Huit Alpine étaient présentes aux 24 Heures du Mans 1967, le 10 juin.
La n° 46, une 210 pilotée par Grandsire et Rosinski qui prit la 9ème place au classement général.
La n° 49, A 210 n°1723, avec de Cortanze et laquelle termina 10ème.
De Lageneste et Cheinisse sur A 210 n°1721 suivirent à la 12ème place avec la n° 48.
A 210 n° de chassis 1726, pilotée par Jean Vinatier et Mauro Bianchi, termina 13ème avec le n° 45 soit, sur seize voitures à l'arrivée, quatre Alpines, un quart du plateau et deux victoires de classe.
La glorieuse A 210 n°1726 participa encore deux fois aux 24 Heures du Mans.

Rendons hommage à Jean Rédélé, car les prototypes français victorieux sont rares.

1736


L'histoire sportive d'Alpine et de Renault

L'histoire débute il y a bien longtemps, en 1955... Il aura fallu tout le talent de Jean Rédélé pour s’entourer des personnes compétentes afin de permettre à Alpine de trouver le chemin du succès. On dénombre rien que pour la Berlinette deux titres de Champion du Monde des rallyes, deux titres de Champion d’Europe des rallyes et bien sûr une multitude de titres pilotes dont quatre titres de Champion de France, un titre de Champion du Monde et bien d’autres.

À Dieppe en 1922, Jean Rédélé pousse son premier cri, avec comme géniteurs Émile, son père, et Madeleine, sa mère. Après de brillantes études et un diplôme d’HEC en poche, la seconde guerre mondiale passée, Jean se lance dans la difficile reconstruction de la concession paternelle. Les lendemains de guerre ne sont pas faciles pour tout le monde mais Rédélé persiste et se lance dans la reconversion des GMC et autres Dodge abandonnés par les américains. Très vite, Jean Rédélé arrive à un véhicule par jour. La deuxième étape du développement de sa concession sera la vente des 4CV à Dieppe, une activité très lucrative compte tenu du succès de la "Puce" de Renault. C’est justement au volant de cette 4CV que Jean Rédélé va découvrir un réel potentiel pour cette voiture.

Il décide alors de s’engager dans divers rallyes mais sa première course, il la dispute contre la Peugeot 203 dont un concessionnaire local prétendait qu’elle était plus rapide que la 4CV Renault. Au terme d’un parcours allant de Dieppe à Rouen, ce sont la 4CV et Jean Rédélé qui remportent le duel. Ensuite, Jean, s’inscrit au Rallye de Dieppe qu’il remporte. Fort de cette victoire, Rédélé décide de s’engager dans d’autres courses telles que le Rallye de Monte-Carlo, mais un oubli des préparateurs de sa 4CV lui coûtera la victoire. Qu’à cela ne tienne, Jean s’engage dans bien d’autres rallyes comme le Tour de France, la Coupe des Alpes… C’est dans ces Alpes que Jean Rédélé éprouve un grand plaisir à piloter. C'est de là que lui vient alors l'idée de nommer "Alpine" la voiture de sport qu’il projette de construire.

En jullet 1955, Jean Rédélé présente ses trois coaches A106 à Pierre Dreyfus alors PDG de la Régie Renault, malgré le peu d'aide que ce dernier daigne lui apporter, Jean Rédélé est heureux, une première étape est franchie. En septembre de la même année, il présente ses voitures au public - et aux journalistes - au salon de l'Auto à Paris, elles s'appellent Alpine. Une nouvelle marque est née, un rêve vient de se réaliser.

En chef d’entreprise avisé, Jean Rédélé sait que pour vendre ses voitures, il leur faut de la "Réclame", et quelle meilleure publicité pour des voitures de sport que les courses automobiles ! Pour se faire connaître du grand public, les Alpine doivent courir et si possible gagner. C’est ainsi qu’après avoir couru sur ses 4 CV et autres "Spéciales", Jean Rédélé lance les coaches A106 en compétition. Alpine glane alors ses premières victoires notamment aux "Mille Miglia" ou "Mille Miles" et à la Coupe des Alpes. Alpine sort alors de l’anonymat, de plus en plus de pilotes lui font confiance.

En 1960, Alpine présente la A108 en version berlinette. C'est sous cet aspect que l'on connait le mieux Alpine, à un tel point que les A110 sont simplement appelées "Berlinette". Cette voiture va subir de nombreuses modifications et améliorations. En 1962, la berlinette A108 reçoit le moteur à 5 paliers de la R8 et devient A110. Cette petite bombe va littéralement propulser Alpine sur les plus hautes marches des podiums des différents rallyes. Il n'y a presque aucune épreuve où l'on ne voit pas une Alpine, aussi bien aux mains de talentueux pilotes officiels que de non moins talentueux amateurs qui prennent un plaisir immense à mener cette petite bombe sur les routes sinueuses.

Grâce aux nombreux succès sportifs de la marque, la demande de véhicules est sans cesse croissante, les petits ateliers de la rue Pasteur sont donc vite trop petits pour suivre la cadence. On lance alors en 1968 le projet d’une nouvelle grande usine plus spacieuse. En 1970, cette usine est ouverte dans la zone industrielle de Dieppe sur l’Avenue de Bréauté. Elle regroupe dans des locaux bien plus spacieux la production des modèles de série mais aussi, le service compétition alors en plein développement. Cette nouvelle usine va donner les moyens à Alpine de se battre à un niveau international dans le championnat du monde des rallyes.

La première moitié des années 70 marquera l’apogée d’Alpine, la Berlinette domine le sport automobile mondial. L’année 1970 débute avec une moisson de victoires notamment dans le San Remo, au rallye de l’Acropole… Alpine rate pour quatre points le titre de Champion International des Rallyes. Ce n’est que partie remise car en 1971, Alpine est sacré Champion du Monde des Rallyes avec le splendide triplé au Rallye de Monte-Carlo. L’année 1972 marque une "pause", en effet la 1800 n’est pas encore homologuée, mais cela n’empêche pas Alpine de gagner de nombreux rallyes du Championnat d’Europe. En 1973, Alpine réédite sa performance de 1971 en remportant de nouveau le Championnat du Monde des Rallyes. C’est la consécration pour la petite marque dieppoise désormais reconnue mondialement.

En 1973, Renault devient majoritaire dans la société Alpine dont Jean Rédélé reste cependant le PDG. L’année 1974 reste une bonne année sur le plan sportif, Alpine gagne encore de nombreux rallyes, cependant le choc pétrolier de 1973 suivit de l’apparition des limitations de vitesse donnent un coup de frein aux voitures de sport et Alpine n’échappe pas à la règle. L’A310 lancée deux ans plus tôt n’obtient pas les résultats espérés tant au niveau sportif qu’au niveau commercial. Il faut attendre 1976 pour voir les ventes remonter avec l’arrivée du V6. Mais les années 80 et la politique de Renault vis à vis d’Alpine lui seront fatales, presque toute compétition est stoppée, et il faut attendre 1985 pour voir apparaître un nouveau modèle. Mais là encore, comme avec l’A310, la GTA est accueillie -à tort ou à raison- d’un mauvais œil, il est vrai que son intérieur pouvait choquer mais elle marquait un réel progrès dans la qualité du produit. Renault essaie de lancer des séries spéciales sans grand succès. En 1990, Renault s’apercevant de ses innombrables erreurs tente de redonner à Alpine une certaine identité en ôtant de la carrosserie toute mention de la marque au losange. Mais ce renouveau n’est qu’apparent, il n’y a aucun progrès dans le produit mais plutôt une régression, et le pot catalytique n’arrangera pas les choses.

En 1991, alors que tout le monde pense qu’Alpine est mort, on présente à Genève la toute nouvelle Alpine A610. Cela redonne un peu d’espoir d’autant plus que cette voiture est fantastique tant sur le plan des performances et de la tenue de route que de la finition ou du confort. Malheureusement, le mal est fait et seul un virage à 180° pourrait inverser les choses. Après avoir produit l’A610 à 762 exemplaires, Alpine disparaît du marché laissant des milliers de passionnés orphelins. On entendit bien parler d’un nouveau modèle dans l’esprit de la Berlinette mais cela restera à l’état de projet, Renault ne croyant plus du tout à Alpine. Triste fin pour une marque qui offrit tout de même à Renault deux titres de Champion du Monde des Rallyes, une victoire au Mans et la première Formule 1 A 500 avec toute l’expérience du turbo acquise pendant près de dix ans.

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À la page suivante, vous trouverez un récapitulatif de tous les chassis sportifs Alpine qui ont couru en circuit.

 

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